Le Shema Israël, confession de foi du peuple d'Israël.
Récité deux fois par jour, le matin et le soir, le Shema Israël habite et façonne la mémoire juive. Il est encadré de trois bénédictions dans la liturgie. La première bénédiction rappelle la Création. Sa vision est universelle. Elle atteint son sommet avec le «Saint, Saint, Saint» (Is 6,3), qui affirme la transcendance de Dieu Créateur, dont la gloire remplit toute la terre. Ce Dieu saint, séparé, n'est pas indifférent à sa création. Il s'y révèle, il y est donc aussi présent et agissant. Mais pour que son immanence à son œuvre ne prête pas à confusion, la prière s'empresse d'ajouter : « Bénie soit la gloire du Seigneur depuis son Lieu » ( Ez 3.12). Le Lieu de Sa gloire demeure au-delà de toute connaissance. La deuxième bénédiction est centrée sur l'élection d'Israël par amour, et par conséquent sur la révélation particulière que Dieu a faite de Lui-même, à Israël, par sa Torah. La troisième bénédiction, qui, elle, suit le Shema Israël, évoque la rédemption, dont l'événement fondateur est la sortie d'Egypte.
La récitation du Shema Israël comprend trois passages des Ecritures :
Dt 6,4-9, Dt 11,13-22 et Nb 15,37-41, qui manifestent la relation d'Alliance entre le Dieu unique et Israël. Selon un commentaire rabbinique, il y aurait ici allusion aux «Dix Paroles » : affirmation d'une vérité : Dieu est un et unique, s’engager à l'aimer implique l'observance des commandements, dont les «Dix Paroles» sont le résumé. Or la première des deux Tables de la Loi (les cinq premières Paroles) vise la relation à Dieu tandis que la seconde (les cinq dernières Paroles) porte sur la relation au prochain. Cf. Exode 20.
Le premier passage du Shema Israël (Dt 6,4-9) se situe à l'intérieur de la relation d'Alliance entre Dieu et son peuple. Il est la confession de foi d'Israël en l'unité de Dieu : «Entends, Israël, le Seigneur notre Dieu, le Seigneur est un.» Cette confession de foi implique une réponse d'amour à l'amour reçu : « Et tu aimeras le Seigneur ton Dieu », réponse qui engage la personne dans tout ce qui la constitue: - son cœur (lev), qui est le lieu où l'on s'engage, - son âme (nefesh), c'est-à-dire sa vie, sa liberté d'être, son identité, - et enfin sa puissance (me'od), que l'on peut traduire par « beaucoup», c'est-à-dire ce que l'on possède et qui rend puissant.
Le Shema Israël : confession de foi dans le Dieu Un et affirmation des exigences qui en découlent dans l'aujourd'hui.
« Que ces commandements ne soient pas à tes yeux comme un commandement ancien auquel on n'attache pas d'importance, mais comme un commandement nouveau au-devant duquel tout le monde court. » cf. Élie Wiesel Un juif aujourd'hui, Paris, Seuil, 1977.
Le Shema Israël affirme encore l'importance des commandements comme moyen concret pour manifester sa propre réponse d'amour à l'amour de Dieu. Dieu a multiplié les commandements pour accroître le mérite d'Israël, lui donnant ainsi d'innombrables occasions de lui montrer son amour : tel est le sens du deuxième passage (Dt 11,13-21).
Mais le Shema Israël est aussi confession de foi en Celui qui a fait sortir Israël d'Egypte (Nb 15,37-41). Autrement dit, les commandements sont une voie de libération. Israël n'a pas quitté l'esclavage d'Egypte pour retomber sous le joug de ses propres servitudes, mais pour recevoir le joug qui rend libre, le joug du Seigneur et de sa Torah.
Isabelle Denis nds
[1] Pour Marc-Alain Ouaknin, cependant, dans le judaïsme « il n’y a pas d’obligation de croire en Dieu ... mais des actions et des préceptes à accomplir... Dans le texte célèbre intitulé Chema Israël... il est seulement interdit de commettre l’idolâtrie. On peut très bien être athée ou agnostique en proclamant cela ». Cf. La Tora expliquée aux enfants, Seuil 2009, p.109.